Isabelle Ferreira, Février 2023

Par Philippe Cyroulnik

Isabelle Ferreira fait appel dans son travail à des procédés et des références qu'elle sollicite délibérément à contre-emploi. Sculptrice elle se plaît à faire de la taille un moyen de production de tableaux ou plutôt de reliefs, comme dessinatrice et coloriste elle s'attache à arracher au dessin l'intégrité de sa matérialité pour privilégier sa découpe, sa déchirure ou ses restes. L'attaque altère le plan ou lacère la surface jusqu'à la réduire en morceaux ou résidus. Attaquer ici doit à la fois être entendu comme le début d'une action, d'une interprétation dont l'intensité vise à modifier ou altérer son objet mais aussi une entreprise de destruction plus ou moins importante sans aller pour autant jusqu'à la destruction totale. Car même si elle détruit et lacère elle porte en ses restes les reliefs ou l'indice d'une énergie, l'éclat coloré de ce que l'on pourrait nommer staccato du dessin. La chute et le fragment sont aussi un moyen de recomposer par la couleur, l'incise ou l'attache, ce qui va faire tableau ou encore l'agrafe qui fixe et/ou joint, peut aussi être l'esquisse d'un trait, et par multiplication couvrir. L'économie de moyens n'interdit pas l'expressivité et la force productrice de l'énergie comme la simplicité assumée, la complexité des perceptions. Le grattage et l'incise ou la déchirure deviennent les outils du dessin, la couleur, une affirmation du plan et une agrafe peut être le ''morphème'' d'un modelé, d'une peau ou d'une couleur. 

Philippe Cyroulnik