Pietra Paesina - Inauguration

15/10/2021

  • Pietra Paesina - Inauguration d'une commande publique à Vitry-sur-Seine
    © photo : Nicolas Wanli 
Inauguration d'une commande publique à Vitry-sur-Seine, le 15 octobre 2021

Selon le titulus1 qui accompagne la scène première des fresques de Giotto sur la vie de Saint-François d’Assise, le peintre illustre le moment où un « homme simple » de la ville d’Assise étend son manteau sur le passage du Saint pour lui rendre hommage. Saint-François avait affirmé en entrant à Assise - sans doute par révélation divine - qu’« il devait dans un avenir proche accomplir de grandes choses ». Reprenant à mon compte ce geste symbolique d’étendre un vêtement pour accueillir un nouvel arrivant, je souhaite, comme un présage, la bienvenue et la félicité aux futurs habitants de la ZAC Rouget de Lisle. Mon projet Pietra Paesina (signifiant Pierre Paysage) consiste à déployer sur le sol un tapis pictural imaginé comme un dispositif d’accueil. Ce titre s’inspire des pierres à image, et plus spécifiquement des pierres paysages provenant d’Italie, dont les fragments une fois tranchés et polis peuvent évoquer des paysages imaginaires. 

Le choix de ce tapis est donc pensé comme une forme de paysage ou de jardin pouvant accueillir les nouveaux habitants. Le tapis est aussi considéré comme la concentration d’un monde et est très tôt, dans l’histoire, assimilé à un jardin miniature : « Le jardin, c’est un tapis où le monde tout entier vient accomplir sa perfection symbolique, et le tapis, c’est une sorte de jardin mobile à travers l’espace. Le jardin, c’est la plus petite parcelle du temps et puis c’est la totalité du monde2 ». 

Le principe du projet est d’embrasser l’ensemble de l’aménagement de la ZAC en considérant la totalité de ses trottoirs comme la réserve3 d’un tapis pictural coloré s’installant, ainsi, dans une sorte de « all-over4 » paysager. Ce tapis vient s’inscrire dans le prolongement des lignes vertes formées par les éco-connecteurs de la ZAC - pré-dessinées par les architectes et paysagistes - et en particulier ici dans celui de l’îlot C1 et de l’îlot H. Ses formes colorées marquent donc deux typologies récurrentes d’organisation urbaine de la ZAC. 

Pietra Paesina s’inscrit dans la continuité de la série Pétales, œuvres en papiers déchirés, initiée en 2016. Ces fragments de papiers colorés, laissés libres dans leur cadre, s’actualisent ou se recomposent à chaque exposition, tels les éléments d’un paysage qui se renouvelleraient sans cesse. En continuité de cette série, l’une des compositions possibles de ces papiers déchirés, a été retranscrite dans le pavage de la ZAC et créée spécifiquement pour ce site. Pietra Paesina se compose de deux tableaux : un polyptyque composé de cinq panneaux pour l’îlot C1 et un diptyque pour l’îlot H. 

 
Ces deux formats sont issus de la scansion urbaine dessinée par les urbanistes par des rubans de pierre reprenant les dilatations architecturales sur les trottoirs et agissant, ici, comme les cadres des deux compositions. La perspective est primordiale dans cette proposition car les dessins formés par Pietra Paesina seront non seulement parcourables par les passants et les résidents (comme un jardin) mais aussi visibles avec un point de vue différent par les habitants des îlots C et H depuis leurs logements (comme un paysage). 

Ces tableaux, préformatés en quelque sorte par l’urbanisme, sont incrustés dans le sol et le pavage préexistant de la ZAC. Les aplats, ici en couleur, se répartissent selon l’une des compositions possibles : celle préétablie par l’organisation des papiers déchirés du tableau originel. 

Les pierres choisies proviennent volontairement d’une diversité d’espaces géographiques (Afrique, Inde, Brésil, France, Portugal...) à l’instar de la diversité sociale du quartier. Le parti pris de ce projet étant aussi de mettre en valeur un lieu de passage et de traversée, et ainsi de pouvoir réaffirmer sa place déterminante dans la construction du lien social. 

1 Sorte de cartel en forme d’épigraphe apposé sur les tableaux.
2 Michel Foucault, « Des espaces autres », 1967.
3 La réserve d’un tableau est la partie non peinte laissant apparaître le support brut.
4 Le « all over » est une pratique picturale apparue dans les années 1940 aux Etats-Unis consistant à « remplir » le tableau sur toute sa surface en donnant l’illusion que la peinture peut se prolonger au delà du cadre.