Frac Auvergne

05/12/2024

  • L'invention du courage (o salto), LB, 2021
    Transfert photographique et acrylique sur bois, 31 x 36 x 6 cm

    Collection Frac Auvergne

    © Blaise Adilon
  • L'invention du courage (o salto), CP, 2022
    Transfert photographique et acrylique sur bois, 21,5 x 28,5 x 3 cm

    Collection Frac Auvergne

    © Rebecca Fanuele
Isabelle Ferreira est née en 1972 à Montreuil. Elle vit et travaille à Paris. Représenté par la galerie Maubert (Paris), son travail a notamment été exposé à la Fondation Gulbenkian à paris, au Château d’Oiron, à l’IAC de Villeurbanne et à la 23e édition de l’Art dans les chapelles en Bretagne et est présent dans les collections du Musée des Beaux-Arts de Nantes, du FRAC Normandie-Caen, de la Fondation Anni et Josef Albers, du Centre National des arts plastiques.

Suivant un principe de combinaison et de montage plastique alliant la sculpture et la peinture, Isabelle Perreira nourrit une pratique sensible et empirique sur le temps et l’espace, à l’aide de moyens minimaux. Les deux oeuvres du Frac Auvergne (acryliques sur bois) sont issues d’une série commencée en 2021 ( L’invention du courage (o salto) ), rendant hommage aux pèlerins oubliés du o salto. O salto (en français « Le saut ») désigne le grand saut par-dessus les frontières, l’émigration clandestine de plus d‘un million de Portugais fuyant la dictature de Salazar dans les années 1960-1970 et se dirigeant principalement vers une France en demande de main-d’œuvre bon marché. C’est également le titre d’un film de Christian de Challonge, réalisé en 1967, portant moins sur la traversée lente et difficile des migrants que sur la ville de destination, Paris. O salto est un exode violent, une odyssée également faite d’escrocs qui profitent sans scrupules de la misère. Toujours sous la menace des polices portugaises et espagnoles, les migrants sont cachés dans des granges, entassés dans des camions de bétail. Dans L’invention du courage (o salto), Isabelle Ferreira fait référence aux accords que les passeurs faisaient avec les familles des clandestins, dans lesquels le contrat prend la forme d’une photo déchirée. La première moitié de la photo du candidat à l’immigration est confiée à sa famille restant au pays. La seconde est conservée par le migrant pendant toute la durée du voyage et est renvoyée à sa famille à son arrivée en France pour déclencher le paiement du solde. Sous-jacente est la thématique de la déchirure, de la rupture, de la séparation avec le pays que l’on quitte et où l’on ne revient jamais. En transférant un bout de portrait sur un contreplaqué dentelé et fissuré, plein d’interstices, Isabelle Ferreira place l’histoire politique au creux de l’objet intime et individuel, conférant à ces visages partiels d’anonymes une dimension tout à la fois archivistique et terriblement présente. Le pan de couleur en aplat crée un espace de projection pour un récit qui reste encore à écrire. D’un autre côté, le support irrégulier donne un aspect de petite palissade à l’objet, comme pour inscrire ces individus dans une résistance par rapport à l’oubli, en même temps qu’il les situe dans un espace architecturé, une localisation géographique concrète bien qu’incomplète. Avec cette série, Isabelle Ferreira exhume une histoire personnelle et collective oubliée dans sa singularité, trop rapidement assimilée à d’autres récits de migration.

Elora Weill-Engere